La Baie du Mont Saint Michel
Vers 4h45 le samedi 24 avril, Etienne, aux commandes d’un car à deux étages, se présente rue des Prés et range son bolide sagement près de
l’entrée de la salle des fêtes. Nous sommes surpris par une quinzaine de randonneurs déjà sur place !
Il s’ensuit alors un ballet de voitures se délestant de leurs passagers chargés de bagages puis se rangeant sur le parking qui leur est affecté.
Pendant ce temps d’autres papotent, mais après s’être précipités vers le car, afin de choisir leur place …
Et c’est le départ. Mais bientôt un problème de chauffage fait reprendre les conversations ralenties par le bruit monotone du car. Ce dernier
comporte un véritable tableau de bord, certes, mais son utilisation reste délicate et malgré de très nombreux essais il faut nous rendre à
l’évidence : un courant d’air frais, voire froid nous accompagnerait jusqu’au bout …
Heureusement le soleil commence à percer et sa chaleur ravigote les plus transis. Une petite pause sur l’autoroute permet à tous une détente :
le chauffeur se dégourdit les jambes, les passagers se réchauffent et le car se vidange... Carolles nous voit arriver vers neuf
heures et la boulangerie constitue notre premier contact. Lestés des baguettes et des croissants (Hé oui, le standing est en bonne voie !) nous
repartons vers Carolles-plage et stoppons au pied du GR 223. Après quelques rapides préparatifs, les 69
randonneurs attaquent une côte courte mais très raide en haut de laquelle nous entamons le petit déjeuner pour certains, quelques pas de danse
pour d’autres. La pluralité est de mise.
Et c’est le départ le long de la côte surplombant la mer : paysages magnifiques colorés de genets et envahis par les bleus marin et aérien.
L’absence totale de vent nous ravis, mais le chemin s’avère plus accidenté que prévu et notre vitesse moyenne s’en ressent.
Entre temps nous apprenons que Catherine est tombée et que sa cheville est douloureuse. Michel est resté avec elle et un départ vers l’hôpital
est envisagé.
Pendant ce temps la progression continue et permet à chacun de contempler le spectacle offert par une nature ici généreuse, de prendre des photos
bien cadrées et d’échanger quelques impressions.
Décision est prise de raccourcir le parcours car la traversée de la Baie doit débuter à 14 heures. Le car nous attend
donc au parking de la dune et nous emmène jusqu’au Bec d’Andaine pour déjeuner, puis nous mettre en tenue pour la traversée.
Vers 14 heures les guides font leur apparition et quelques centaines de touristes attendent en plein soleil que l’organisation se mette en place.
Les deux guides qui nous sont affectés nous contactent et deux groupes sont constitués : c’est l’aventure qui commence. Le panorama qui s’offre
alors nous rapproche des pèlerins qui, allant au Mont Saint Michel, cheminaient en groupe dans une démarche commune et
face à la très célèbre silhouette grossissant peu à peu au rythme du pas.
Notre groupe a hérité d’un guide très grand et à la voix forte, ce qui facilite la transmission de l’information. Et c’est ainsi qu’il nous narre
l’histoire du Mont Saint Michel depuis les temps géologiques. Et de pause en pause nous progressons sur le sable tantôt
difficile car marqué de l’empreinte des dernières vaguelettes, tantôt trop mou pour progresser facilement. Quelques «rivières» ralentissent notre
avancée, dont un plus profond nous force à remonter les shorts jusqu’à mi-cuisse. Le terrain reste néanmoins instable avec un courant marqué et
l’un d‘entre-nous perdant l’équilibre s’offre une cure thermale sympathique, mais avec armes et bagages. Le soleil va sécher rapidement la tenue.
En cours de route s’échangent des conversations avec notre guide nous permettant de découvrir quelques coquillages, de reconnaître les œufs séchés
de bulot et même de noter des recettes de cuisine locale, dont celle relative à la cuisson du cormoran : Prendre un gros cormoran, le plonger dans
l’eau bouillante accompagné d’un caillou, retirer le tout dès que le caillou est cuit.
Le rocher de Tombelaine est l’occasion pour le guide de nous entretenir du Marquis de Tombelaine, personnage truculent,
de toute l’histoire du rocher qui, au moyen âge, possédait plus de boutiques que le Mont Tombe lui-même et de la faune
locale composée de nombreux oiseaux et de quelques phoques.
Un dernier arrêt est mis à profit pour nous présenter la flore, certes extrêmement succincte aux alentours du Mont et les énormes travaux ayant
pour but de remettre en eau, en partie, le Mont. Ces travaux vont s’échelonner sur plusieurs années et devraient produire leurs effets d’ici 5 à
7 ans.
Et c’est alors que le guide se rapprochant de la démarche pèlerine d’antan nous précise que va avoir lieu la « pesée des âmes ». Et chacun de
s’ébrouer et de sautiller sur place afin de pouvoir conclure sur son poids « spirituel ». Malheureusement pour ceux qui tentent cette opération,
le sol se dérobe rapidement sous leurs pieds car nous sommes arrêtés sur des sables mouvants … Engoncés dans une chape de boue noirâtre, ces
pèlerins modernes doivent se résigner à se laver les jambes et les pieds à défaut des âmes, si tenté que cette dernière ait été nécessaire. Avec
un tel groupe, une vérification des présents s’impose : malheureusement après plusieurs comptages et des calculs un peu compliqués dus à la
présence de randonneurs déjà sur place avant le week-end, à l’absence d’autres rendant visite à Catherine hospitalisée, à des amis venus partager
notre traversée, nous concluons à la disparition d’un randonneur ! Quelques minutes plus tard la retardataire fautive passe le portail d’entrée
du Mont.
Le gîte est atteint après une heure de route, à Granville. Chacun s’installe, soigne ses coups de soleil et se prépare pour le
dîner, servi sous forme de self service, ce qui nuit quelque peu à sa convivialité.
La nuit réparatrice permet à tout un chacun d’aborder le second jour très ensoleillé, lui aussi.
Le car nous dépose au maintenant bien connu, Bec d’Andaine et nous commençons notre marche vers Avranches,
but ultime de cette journée, la randonnée de l’après-midi ayant été abandonnée au profit des visites d’Avranches et de Villedieu-les-poêles.
Nous cheminons donc le long des « hercar » terres favorites des moutons dits « de pré salé ». Paysage étonnamment plat, monotone, découpé par le
seul profil lointain et quelque peu brumeux du Mont Saint Michel.
Mais c’est encore l’occasion de prendre des clichés souvenirs : la file indienne fort longue des randonneurs, un ancien fût de canon en guise
d’exutoire, un groupe de moutons et d’agneaux posant devant le Mont …
Et puis la cathédrale d’Avranches, de minuscule est maintenant fort bien visible, et quelques courbes du chemin nous
amènent à traverser l’autoroute. Un très fort raidillon nous autorise à déboucher sur la place où le car nous attend.
Le temps de midi est consacré au repas agrémenté, si le désir s’en fait sentir, d’une promenade dans les vieux quartiers bordant la cathédrale,
à l’ombre de hautes maisons fort bien restaurées.
Sur le chemin du retour, Villedieu-les-poêles nous réserve une surprise avec ses nombreux commerces de cuivres et d‘étains, exposant
toutes ces faces métalliques brillantes derrière leurs vitres. Encore une sortie réussie et dans un style nouveau alliant la visite touristique
et la randonnée.